vendredi 23 décembre 2011

Biens qui ne profitent qu'à certains "autrui"?...

- Je ne cherche pas, au travers de ces quelques propos, à mettre en cause une ou des personnes en particulier mais plutôt un système qui perdure et qui cause bien des injustices.
- Je constate, en effet, ce depuis des décennies et plus particulièrement aujourd’hui, qu’en général, toutes les professions qui créent de la vraie valeur aux choses ou bien qui ajoutent de la valeur à ces mêmes choses vivent de leur labeur mais ne parviennent que rarement à devenir un tant soit peu « riches » et aisés, contrairement au temps passé. Ce n’est certainement pas par manque d’intelligence ou encore par manque de compétences ! Encore moins par manque de créativité, de courage, ou encore par manque d’ambition ! ( sous réserve de placer le mot "ambition" là où il le faudrait!) Loin s’en faut !… Assez curieusement, ils n’en profitent que peu, ces artisans, paysans, entrepreneurs industrieux, vrais industriels, ouvriers et manufacturiers. Ce sont pourtant eux qui contribuent à l’essentiel de nos besoins !
- Par contre, mon environnement social actuel montre, voir démontre, combien les professions qui spéculent et profitent de ce travail réalisé par ces mêmes « laborieux », s’enrichissent rapidement et peuvent ainsi mener une vie assez douce, en tous les cas sans pénibilité avérée. Ce n’est pas pour rien, par ailleurs, que les mêmes « laborieux » vivent en moyenne 7 à 9 ans de moins que les « autres ».
- Ce qui a déclenché ces quelques propos c’est en premier lieu la lecture d’une proposition publiée dans « Le Monde » de Monsieur Martin Hirsch et, d’autre part, de constater que nombre de nos voisins et connaissances oeuvrent presque tous dans le monde du "commerce". Et qui est « trader », et qui importe pour mieux revendre, et qui gère les capitaux de nantis, et qui organise le travail d’autres, et qui… Toutes ces connaissances, absolument toutes, ont un niveau de vie bien supérieur aux laborieux de notre entourage. N’y voyez pas de jalousie, s’il vous plaît, je ne les envie pas et suis trop heureux de réaliser par moi-même mes envies, d’assouvir humblement mes passions et de « gagner » ma vie au prix que je crois juste.
- Question : est-ce juste et équitable ? Je crois que l’article de Monsieur Hirsch y répond on ne peut mieux et je me permets donc de le joindre à ce petit mot. Le voici donc :

Point de vue | Terra Nova | 22.12.11 | 13h01
par Martin Hirsch et Sandra Desmettre, coprésident et rapporteure du rapport "Pour une régulation des hautes rémunérations" (pour Terra Nova)
Depuis le début de la crise, les condamnations pleuvent sur les très hautes rémunérations mais les dénonciations visent le plus souvent des cas individuels et n'ont pas produit de grands effets. Au cours des vingt dernières années, les 10 % de rémunérations les plus élevées ont capté trois quarts de l'augmentation de la valeur ajoutée en France. Dans le même temps, l'augmentation du smic et des prestations sociales a permis une augmentation du revenu des 10 % des salariés les plus modestes, alors que la situation relative de 80 % des salariés se détériorait. Les augmentations ont été particulièrement marquées dans le secteur de la finance. La rémunération moyenne des dirigeants de banques a ainsi bondi de 45 % en 2010.
Le maintien d'écarts aussi élevés entre les rémunérations pose un problème de justice et de cohésion sociale, d'autant plus aigu que la crise se prolonge. Il serait logique de penser que des salaires exceptionnels viennent rémunérer des performances exceptionnelles. Or, les études statistiques montrent qu'il n'y a pas une corrélation nette entre les deux. Après guerre, les dirigeants de société ont fait croître les économies européennes à des taux nettement supérieurs aux tendances actuelles, tout en percevant des rémunérations très largement inférieures. L'argument de l'existence d'un "marché international des dirigeants" justifiant le montant des rémunérations n'est pas vérifié par les trajectoires observées. De plus, la concentration des richesses est défavorable à la croissance : dans la mesure où le taux d'épargne est croissant avec les revenus, elle handicape la consommation intérieure.
HAUTES RÉMUNÉRATIONS ET DÉPENSES SOCIALESIl ne s'agit donc pas seulement d'un problème moral mais bien d'un problème économique, social et de finances publiques. Quand les bénéficiaires de hautes rémunérations ou ceux qui les défendent sont appelés à se prononcer sur une éventuelle régulation, et sur une perspective d'imposition supplémentaire, ils rétorquent généralement que telle n'est pas la priorité et que la France devrait commencer par réduire ses dépenses publiques, plutôt que de prélever des impôts supplémentaires. On peut pourtant démontrer que la captation de la plus grande part de la création de richesse par les très hautes rémunérations contribue à la nécessité d'un niveau de dépenses sociales élevé et porte ainsi une responsabilité – directe et indirecte – dans le niveau des déficits publics.
C'est le message qu'exprimaient cet été les salariés d'une grande entreprise du textile, dont le siège est à Roubaix. Ils ne comprenaient pas pourquoi la plupart d'entre eux étaient éligibles au RSA en complément de leur salaire – à peine supérieur au smic après 15 ou 20 ans d'ancienneté – alors qu'ils avaient lu que leur patron figurait au top du palmarès des rémunérations, avec pour l'année 2008, stock options comprises, une rémunération de 23 millions d'euros. Ils avaient fait un calcul simple : si la rémunération de leur patron avait été réduite à 1 million d'euros et le surplus réparti entre les salariés, c'est l'entreprise qui aurait versé l'ensemble de leurs revenus et non pas, pour partie, la solidarité nationale. Ainsi, dans un certain nombre d'entreprises, à masse salariale égale, une meilleure répartition des rémunérations aboutirait à réduire la part des prestations sociales versées aux salariés les plus modestes.
On peut trouver d'autres exemples plus sectoriels : c'est la redevance versée par les contribuables qui paye les rémunérations confortables des animateurs et des producteurs de la télévision publique. Ce sont les cotisations maladie qui payent les rémunérations des dirigeants de l'industrie pharmaceutique. Si on prend les 100 plus hautes rémunérations des groupes d'énergie, on tombe sur des ordres de grandeur qui représentent une part non négligeable de ce que l'Etat verse pour compenser le tarif social du gaz ou de l'électricité.
A ces effets directs des hautes rémunérations sur les dépenses publiques, on peut ajouter des effets indirects, liés aux conflits d'intérêts. Lorsque certains responsables publics, qu'ils soient parlementaires ou experts, gagnent davantage d'argent à travers leurs rémunérations privées qu'à travers leurs émoluments publics, il en résulte que, dans les décisions qu'ils sont conduits à prendre et les avis qu'ils rendent, ils peuvent, consciemment ou inconsciemment, faire pencher l'aiguille davantage du côté des intérêts privés. Autre effet indirect sur les dépenses publiques, désormais mieux connu : le mode de rémunération des traders, lorsqu'ils spéculent sur les dettes publiques. La crise actuelle est en partie liée aux incitations très fortes à la prise de risques qui découlent des mécanismes de rémunération de ceux qui opèrent sur les marchés financiers.
Peut-on objecter que les plus hautes rémunérations sont aujourd'hui tellement imposées qu'elles font rentrer dans les caisses publiques des montants supérieurs aux coûts qu'elles engendrent ? Non, certainement pas. Le barème de l'impôt sur le revenu, conjugué aux niches fiscales, et complété par la plus faible imposition de certains éléments de rémunération, conduit à des taux d'imposition qui sont relativement faibles (20,5 % pour les 0,1 % les mieux dotés, 17,5 % pour les 0,01 % les plus riches). Mais la taxation ne doit pas être le seul remède. Il y a en effet quelque chose d'insatisfaisant à maintenir un aussi fort étirement de l'échelle des salaires, dans la société en général comme dans chacune des entreprises.
LES MESURES À PRENDRE DANS L'ENTREPRISE ET DANS LA SOCIÉTÉ EN GÉNÉRALNotre conviction est que l'outil fiscal doit aller de pair avec d'autres leviers. Dans l'entreprise, il faut tout d'abord contrer l'effet "cercle fermé" lié à ce que les plus hautes rémunérations sont de fait fixées par des comités de rémunération constitués d'un nombre restreint d'administrateurs, cumulant souvent plusieurs mandats. Pour neutraliser cet effet, nous proposons deux mesures : l'une consiste à obliger les plus hautes rémunérations à être soumises à l'assemblée générale des actionnaires, après que le comité d'entreprise a émis un avis sur les critères de rémunération. La deuxième mesure, de portée plus large, devrait être de limiter le nombre de mandats pouvant être détenu par un même administrateur.
Au sein d'une rémunération, ce qui relève du salaire et ce qui correspond à des éléments d'intéressement devrait être nettement distingué. Au-dessus d'une certaine somme, la rémunération correspondant à la création de valeur ne devrait être constituée que d'une participation à long terme dans l'entreprise.
Il devrait également être mis fin aux autres formes de rémunérations pouvant donner lieu à des opportunités fiscales, lorsqu'elles ne sont pas soumises aux mêmes règles d'imposition que les salaires. Les retraites chapeaux n'ont pas été supprimées avec la réforme des retraites alors qu'elles constituent des rentes qui n'ont été alimentées par aucune cotisation ou épargne.
Au-delà de ces règles spécifiques aux très hauts salaires dans les entreprises cotées, l'imposition des hautes rémunérations serait renforcée pour tous les très hauts revenus. Il est incohérent de se déclarer choqué par les très hautes rémunérations et d'être en même temps hostile à des taux d'imposition supérieurs à 50 % au-dessus d'un certain montant de revenus. Nous proposons donc de relever le taux marginal à 50 % au-dessus de 100 000 € par part et à 60 % au-dessus de 300 000 €, ce qui rapporterait 1,3 milliards d'euros par an.
Dès lors que l'on admet que le montant des hautes rémunérations, avant et après impôt, a un impact sur l'ensemble de la société, il est légitime de ne pas laisser les seuls intéressés délibérer de ce sujet. Une conférence sur les hautes rémunérations, donnant lieu à un débat entre partenaires sociaux, élus, pouvoirs publics et économistes, pourrait être instaurée pour éclairer les décisions qu'il reviendrait aux entreprises de prendre sur le montant des rémunérations, et celles qu'il appartient aux pouvoirs publics de prendre en matière d'imposition.
Ces mesures devraient être complétées par une clarification des rémunérations des responsables publics. Pour ceux qui sont investis de mandats ou de responsabilités publiques, rien ne s'oppose à ce que le montant réel des rémunérations soit public et corresponde à des barèmes dont les règles soient connues de tous, auxquels s'appliquent des plafonds tout compris.
Est-ce qu'adopter ces mesures aurait comme conséquence qu'il serait impossible de devenir riche en France ? La réponse est bien évidemment non. Il serait toujours possible de le devenir, mais en créant de la valeur. Ce ne serait pas la fin de la richesse. Ce serait simplement la fin d'une certaine forme de rente.
Martin Hirsch est ancien président d'Emmaüs France, ancien haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Joyeux Noël… CG

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