lundi 20 septembre 2010

Comptine des jours heureux…

- L’aurore, belle demoiselle lumineuse qui avance ses traits de lumière et éclaire à petits pas le lointain de l’horizon. L’aurore qui m’appelle, doucement, presque tendrement. Je ne saurais résister à cet appel. Je ne saurais lui en vouloir de me tirer de mon sommeil et me sortir de mes rêves. Rêves qui prennent avec Elle, l’espace de la réalité. Sans bruits, autant par respect pour le règne du silence que pour le sommeil de ma compagne, je me lève, un peu comme les chats, en m’étirant pour remettre en marche mon vieux squelette, encore un peu las du labeur de la veille. Quelque peu fastidieux que de me vêtir, la souplesse d’antan me fait défaut et est en passe de n’être plus qu’un beau souvenir. Je ne me plains pas car ce qui passe et est passé est plus que largement remplacé par des sensations nouvelles, plus fines, plus vastes et l’esprit se gave de ces profondeurs de la vie.
- Les chiens, fidèles compagnons, ont dressé l’oreille et attendent avec fébrilité mon arrivée. Premier gestes d’affection, première sortie vers Celle qui m’a fait lever, premiers arômes de la fraîcheur du matin, premières caresses d’une brise qui se peut douce, parfois, mais aussi vive et véloce lorsque son humeur s’assombrit. Les oies aussi attendent avec impatience l’ouverture de leur cage. Sitôt fait, avec force déclamations tonitruantes, elles courent à leur tour vers l’arrivée du jour, pressées de prendre leur petit déjeuner d’herbe tendre. Les chiens, eux, attentifs à l’ordre des événements, ont fait le tour de la « chacra », guettant l’arrivée de leur pitance matinale. Tout ceci étant fait, je peux, enfin, prendre mon petit déjeuner, mesurant doucement l’avancée de Dame Aurore, déguster paisiblement une brioche que me prépare ma compagne, étaler sans restreinte un bon beurre du pays et couvrir ensuite de miel local une tartine déjà bien dodue. J’oubliais, autre tâche essentielle, préparer le petit déjeuner pour ma Mie, à savoir, thé plus « cedron » (feuilles à goût de citron) plus des racines d’une plante qui m’est inconnue mais, paraît-il, qui soigne l’arthrose ! Un peu d’eau bouillie la dessus et, dans quelques dizaines de minutes, ma Dame pourra déguster un « thé » bien infusé.
- A mes pieds, tous mes courtisans, fort intéressés par les reliefs de mon repas, Tatou, la jeune chienne vive et brillante, Upa, le vieux chien grincheux et douillet et enfin Butia, ma chatte caressante et caressée. Et toutes petites occupations matinales toujours dans le même ordre, toujours avec le même tempo. Alors, les charmes de Dame Aurore étant déployés, je peux sortir dans notre patio et me laisser éblouir par son Seigneur, le bien nommé soleil, voir l’horizon s’illuminer de feu, me laisser bercer par le chant des oiseaux qui, à leur manière, et comme moi, saluent le jour naissant. Magie quotidienne, admiration sans bornes, charme garanti, sauf si le ciel fait deuil. De bonnes âmes du bon pays d’Uruguay m’avaient pourtant dit que dans ces lieux, la peine du ciel ne durait jamais, mais alors jamais plus d’un jour ! Nous venons d’essuyer plusieurs fois une semaine de pluie constante et presque équatoriale , joyeusement aérée par des brises plus que soutenue, à « écorner les bœufs » comme diraient nos anciens ! C’est la faute, me dit-on, aux changements climatiques !
- Le temps de me mettre à l’ouvrage est venu, l’estomac bien rempli, réconforté par les bisous de ma Mie à son lever, mon café avalé avec délices. Les occupations ne manquent pas et, selon mon humeur ou encore ma forme du jour, je vaque à ceci, à cela, je commence ce qui me plaît, je finis ce que j’ai engagé quelques jours ou quelques semaines auparavant, je prends mon temps, je respecte le vrai rythme du temps, je musarde parfois… et parfois je ne fais RIEN et ce n’est pas rien car, paraît-il (et je ne citerai pas de noms) bien des passants honnêtes ne peuvent rester sans rien faire ! Quant à moi, je trouve qu’il s’agit là d’une occupation fort intéressante et enrichissante : cela s’appelle la méditation tout comme la noble sieste quotidienne par ailleurs.
- Il est bien fini le temps de l’industrie, des horaires à respecter ; bien loin le cadencement frénétique des jours et parfois des nuits ; au diable les retours d’investissement, la rentabilité, la performance, les indicateurs verts ou rouges ; aux oubliettes les « responsabilités », les réunionnites aiguës, maladies du langage où l’on parle beaucoup pour ne rien dire mais surtout pour se donner de l’importance ; foin des obligations, au large les butées du temps et les objectifs à tenir, las des machineries sensées dispenser du bonheur au petit peuple ; Le Bonheur, quoi ! tout simple, humble, respectueux de tout ce qui vit, admiratif de tout ce qui nous entoure.
- Et une question permanente, lancinante : serait-ce que l’humanité dite moderne se serait trompé de chemin ?…. J’ai quelques éléments de réponse, bien des arguments à avancer, beaucoup d’observations à partager mais qui voudrait les entendre, les écouter vraiment, voir, je dis bien voir, avec moi, la réalité des choses de la vie ? Qui ? je ne vois guère sinon quelques autres fous, comme moi, bercés d’idéalisme, d’éthique, de simplicité !

CG

1 commentaire:

  1. alors je suis une de ces autres folles! Cela fait du bien de se sentir un peu moins seule dans sa tête, merci Christian! je ne vous oublie pas....

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